Quand le président tchèque s'en prend à Daniel Cohn-Bendit

Le 06 Décembre 2008

Vaclav Klaus La présidence tchèque de l'Union européenne (UE) commence mal. Trois semaines avant que celle-ci n'entre en exercice pour six mois, le 1er janvier 2008, les chefs de groupe du Parlement européen sont venus en visite à Prague, jeudi 4 et vendredi 5 décembre, avec leur président Hans-Gert Pöttering. Après un dîner convivial, jeudi, avec le premier ministre Mirek Topolanek et une partie de son équipe gouvernementale, les eurodéputés sont vaillamment partis le lendemain pour affronter le plus dur : l'ultralibéral, colérique et europhobe président Vaclav Klaus, au château de Prague.

Europhobe ? Point du tout. Le président Klaus l'a expliqué en introduction aux parlementaires : " La presse européenne me caricature, a-t-il dit, et mes positions sur l'Europe sont systématiquement 'démonisées'". Le député Vert Daniel Cohn-Bendit avait prévu le coup. Il avait apporté de Bruxelles un petit drapeau européen pour le poser sur le bureau du président, ce " phobique " de l'Europe, le seul chef d'Etat européen à n'avoir jamais hissé une bannière de l'UE dans ses murs. Au moment venu de son tour de parole, il a placé le drapeau sur la table. " Monsieur le président, puisque vous aimez tellement l'Europe, a-t-il commencé, permettez moi de vous offrir ce cadeau. " Vaclav Klaus, héroïquement impassible, a fait mine de ne pas entendre.

Le député passe aux questions, comme ses collègues avant lui. L'une fait déborder le vase. Elle porte sur Declan Ganley, l'homme d'affaires irlandais qui a porté la victoire du "non" au traité de Lisbonne en Irlande via son association Libertas, soupçonnée à Bruxelles de financements irréguliers. Vaclav Klaus lui avait rendu visite à Dublin, salué en lui le "dissident", et n'exclut pas de soutenir la formation d'un nouveau parti eurosceptique de droite lié à Libertas pour les élections européennes de juin 2009.

"VOUS N'ÊTES PAS SUR LES BARRICADES DE PARIS"

"Quelles sont vos relations politiques avec Declan Gaynley ?" demande Dany Cohn-Bendit. Vaclav Klaus se tourne vers Hans-Gert Pöttering : "Pouvez-vous interrompre M.Cohn-Bendit et donner la parole à un autre député ?" Le président du Parlement n'en fait rien. "M. le président, vous avez pris position publiquement en Irlande en faveur de Declan Ganley, cette question est légitime." Extraits du dialogue qui suit : Vaclav Klaus : "Personne ne m'a jamais parlé ici sur ce ton. Vous n'êtes pas sur les barricades de Paris. Je n'ai jamais entendu quelque chose d'aussi insolent dans cette salle !" Dany Cohn-Bendit : "Forcément, c'est la première fois que vous me rencontrez dans cette salle…" Vaclav Klaus : "Si je vous demandais comment les Verts se financent, on en apprendrait de belles." Dany Cohn-Bendit : "Je ne vous ai pas demandé comment vous vous financiez mais quelles étaient vos relations politiques avec Declan Ganley. C'est curieux que vous l'associez à une question de financement." Vaclav Klaus : " La manière dont Daniel Cohn-Bendit me parle, c'est exactement la manière dont parlaient les Soviétiques". Hans-Gert Pöttering : " Comparer l'Union européenne à l'URSS est inadmissible ! " Vaclav Klaus : " Je parlais d'une manière d'intervenir…" Dany Cohn-Bendit : " Nous n'intervenons pas avec des chars "

Dany Cohn-Bendit

Le président tchèque a pris le temps de livrer quelques-uns de ses principes. "Il n'y a pas d'alternative à l'Union européenne pour la République tchèque", reconnaît-il, mais l'Union européenne telle qu'elle est ne lui convient pas. Cet ultralibéral convaincu compte sur la présidence tchèque pour "stopper l'irrationalité du débat sur la régulation du capitalisme qui tuera et le marché et le capitalisme". Le traité de Lisbonne et le comportement de l'Europe, "c'est la liquidation de la liberté et de la démocratie." Au bout de 50 minutes, les eurodéputés sont partis. Au château de Prague, on a aussitôt dénoncé la "provocation". Le petit drapeau européen est resté sur la table du président tchèque. Sans trop d'audace spéculative, on peut supposer qu'il ne s'y trouve plus.